Chapter 2: le curling !
Quand les JO d’hiver arrivent, impossible de ne pas s’interpeller devant ces braves athlètes qui balayent très sérieusement la glace devant une pierre. Et oui, après le slalom géant en ski alpin, on s’est intéressé au curling ! Et puisque ce sport reste pour la plupart d’entre nous un grand mystère, voici quelques considérations qui ne vous feront plus jamais regarder les curleurs de la même façon.
Le curling a été inventé en Ecosse au 16e siècle et c’est une discipline récompensée aux Jeux Olympiques depuis 1998.
En bref, le curling c’est 2 équipes de 4 sur une piste glacée d’environ 40m (le rink), qui lancent une pierre en granit sur la glace dont la trajectoire peut être modifiée à l’aide de balais. L’équipe gagnante est celle qui a marqué le plus de points, inscrits en mettant sa pierre dans la cible (la maison) en dix manches (ends). Ni plus ni moins que de la pétanque sur glace.
Curling et effort physique
La première chose à savoir, c’est que le curling est un sport particulièrement exigeant physiquement et techniquement. En effet, le balayage permet de chauffer la glace afin de faciliter la glisse par réduction de la friction, accentuer la trajectoire courbe de la pierre, ou de garder une trajectoire droite.
Cette tâche est quand même bien plus sollicitante que de passer le balai dans ta cuisine pour plusieurs raisons :
- La pierre pèse presque 20 kg et peut glisser à plus de 7 km/h pendant 30 secondes (Bradley, 2009)
- Un joueur peut balayer jusqu’à 1,7 km par jeu (Bradley, 2009) (pour comparaison, dans ta cuisine de 15 m2, tu es à 0,03 km au grand maximum)
- Un jeu de curling dure en moyenne 2 heures et demi. Sachant qu’il faut parfois jusqu’à 14 jeux pour atteindre le podium (soit jusqu’à 35h de compétition), le curling est la discipline la plus longue des jeux olympiques
Si jamais vous n’êtes toujours pas convaincus, sachez qu’un balayage intensif de 20 secondes peut générer environ 600 à 1600 kJ, avec un rythme cardiaque proche de 170 battement par minute ! (Bradley, 2009)
Curling et effort cognitif
Et l’effort cognitif alors ? Biscotos mis à part, le curling est souvent appelé « échecs sur glace » parce que les joueurs doivent constamment planifier deux ou trois tirs en avance. Pendant les matchs de compétition, les curleurs sont limités à 38 minutes de réflexion pour prendre leurs décisions stratégiques. Ainsi, les curleurs doivent être fortiches, non seulement dans la précision décisionnelle mais également dans la vitesse de leur prise de décision. Une méta-analyse a montré que les athlètes prennent des décisions plus rapidement et avec une plus grande précision de réponse, grâce à leurs excellentes capacités de perception (plus d’informations traitées avec moins de fixations visuelles) (Mann, Williams, Ward, & Janelle, 2007).
Pendant des années, on a cru que les athlètes étaient experts en prise de décisions tactiques en raison de capacités cognitives innées (Williams & Ward, 2003). Cependant, il a été démontré depuis que l’entraînement améliore les connaissances propres à chaque sport et leur traitement cognitif. Par exemple, les curleurs experts ont de meilleurs performances attentionnelles que des curleurs novices (Shank & Lajoie, 2013). De plus, des entraînements basés sur l’imagerie visuelle et cognitive amélioreraient les capacités de prises de décision tactiques des curleurs avec une diminution significative des temps de décisions (Stewart & Hall, 2016). Plus largement, une étude sur les curleuses chinoise a montré d’importantes différences sur des mesures de concentration, d’attention, de perception du temps, de perception de la profondeur, et de mémorisation du mouvement en fonction de l’expertise sportive (Zhang, 2014).
Enfin, nous ne pouvions pas finir ce billet sans citer l’étude de Stone et collaborateurs (Stone, Rakhamilova, Gage, & Baker, 2017). Premièrement, parce qu’elle a quand même le nom de l’emploi.
Mais surtout, parce qu’elle démontre que la pratique du curling aurait un impact positif sur le bien être psychophysique des personnes âgées.
Quoi ? Comme Jean-Christophe, tu as déjà sorti ton plumeau ainsi que ton sous-pantalon thermorégulateur tout en cherchant la patinoire la plus proche ? GG buddy !
Références
Bradley, J. L. (2009). The sports science of curling: a practical review. Journal of sports science & medicine, 8(4), 495.
Mann, D. T. Y., Williams, A. M., Ward, P., & Janelle, C. M. (2007). Perceptual-cognitive expertise in sport: A meta-analysis. Journal of Sport & Exercise Psychology, 29, 457-478.
Shank, V, & Lajoie, Y. (2013). Attentional Demands in the Execution Phase of Curling in Novices and Experts. International Journal of Kinesiology & Sports Science. 1(1), 1-8.
Stewart, N. W., & Hall, C. (2016). The effects of cognitive general imagery use on decision accuracy and speed in curling. The Sport Psychologist, 30(4), 305-313.
Stone, R. C., Rakhamilova, Z., Gage, W. H., & Baker, J. (2017). Curling For Confidence: Psychophysical Benefits of Curling For Older Adults. Journal of aging and physical activity, 1-28.
Williams, A. M., & Ward, P. (2003). Perceptual expertise: Development in sports. In J. L. Starkes & K. A. Ericsson (Eds.), Expert performance in sports: Advances in research on sport expertise (pp. 219-250). Champaign, IL: Human Kinetics.
Zhang, S. Z. (2014). Analysis of Specific Cognitive Ability Characteristics of Chinese Women Curling Athletes. In Advanced Materials Research (Vol. 971, pp. 2736-2739). Trans Tech Publications.
Merci pour cet éclairage très pédagogique et documenté sur un sport olympique qui semble très mystérieux et drôle au 1er regard.
Merci pour ce retour !
Il est important de montrer ce qui ne saute pas toujours aux yeux, comme le fait que le curling soit un sport très exigeant sur les plans physiques et cognitifs.