Internet regorge de recommandations sur les durées de temps de chargement maximales. Au-delà desquelles l’utilisateur perd patience, voire quitte le système. Aujourd’hui, c’est une étude récente très intéressante publiée dans Human Factors qui vient interroger le point commun à toutes ces recommandations :
plus les temps de chargement sont courts, meilleure est l’expérience utilisateur ?
Expérience utilisateur et temps de chargement
Premièrement, commençons par la question posée par l’étude : quel est l’impact de la prédictibilité de ces temps de chargement sur l’expérience utilisateur et la tâche à réaliser ? La tâche expérimentale conçue pour l’occasion était la suivante : dans un client mail construit pour l’occasion, des messages apparaissaient. Il était demandé aux sujets de se débarrasser du spam. Puis, de faire suivre à leur manager les mails qui lui étaient destinés le plus rapidement possible. Une tâche plutôt simple donc.
Après chaque interaction, et comme avec tout système informatisé classique (surtout sous Windows diront certains, mais ce n’est pas le débat du jour), un temps de chargement était nécessaire à l’affichage de la fenêtre suivante. On distingue alors deux modalités :
1. des temps de chargement très variables, mais globalement courts,
2. des temps de chargement peu variables, mais globalement longs

Et le temps ?
Le temps d’interaction des sujets (sans les temps de chargement de l’interface) était évalué. Puis, après chaque phase expérimentale, ils évaluent leur charge de travail en répondant à un questionnaire classique dans le domaine (le NASA Task Load Index). Un second questionnaire (AttrakDiff) permet de recueillir leur expérience utilisateur.
L’expérience conclut sur les résultats suivants :
– les performances des sujets (temps de traitement de l’information) sont significativement meilleures quand les temps de chargements sont peu variables, même si cela implique une augmentation globale du temps d’attente ; (situation 2.)
– malgré cela, l’expérience utilisateur et la charge de travail ne se retrouvent pas affectés. Ni par la variation du temps d’attente global ni par la variation de la variabilité de ce temps d’attente.
Alors, alors, qu’est ce que tout cela nous raconte. Et bien tout ça nous renvoie aux critères d’évaluation ergonomique des interfaces. Les plus classiques (critères de Bastien & Scapin en France, heuristiques de Nielsen aux USA) parlent tous de la nécessité de maintenir une cohérence (homogénéité) à l’échelle de l’interface : le bouton « Annuler » n’apparait pas tantôt à gauche tantôt à droite, les boutons ne sont pas tantôt en flat design tantôt en skeuomorphisme, les liens cliquables ne sont pas tantôt surlignés bleu puis soulignés en rouge…
Pour nous tous PCnautes maltraités par des sites et des interfaces qui ne veulent pas fonctionner comme on le voudrait, tout cela coule de sens. Mais le fait que nous soyons régulièrement maltraités par l’ergonomie des systèmes que nous souhaitons utiliser prouve que cela n’est pas si évident que cela au moment de la conception. Avant d’implémenter une interface, il est souvent utile de la tester avec des prototypes qui permettent de simuler les interactions et de vérifier la cohérence des parcours utilisateurs.

Le temps de chargement, facteur fondamental ?
Ce résultat vient donc faire une fois de plus la démonstration que l’expérience utilisateur n’est pas que l’esthétique de l’interface : c’est l’ensemble de l’expérience d’interaction. Le temps de chargement en fait partie et la cohérence des temps de chargement participe donc des moyens qui peuvent être fournis aux utilisateurs (ou opérateurs) pour leur permettre d’atteindre un meilleur degré de performance à coût mental constant. Une amélioration du trièdre coût/performance/risque.
Pour être complet, il faudrait également revenir sur cette valeur de 10 secondes (ou 5 secondes ou 13 secondes…). Au-delà de celle-ci on risque de perdre définitivement l’utilisateur. La plupart des études qui parviennent à ces chiffres datent un peu (Nielsen, 1994, soit l’aube de l’internet). Elles concernent souvent le très grand public, particulièrement dans le e-commerce, sans animation pour faire patienter.
Bref, le temps de chargement est un facteur fondamental de l’expérience utilisateur. Et loin de nous l’idée qu’il ne faudrait pas l’optimiser. Mais toutes les interfaces ne sont pas des sites internet et tous les sites internet ne sont pas des plateformes de vente en ligne. Les opérateurs seront bien plus indulgents et patients à l’égard d’une interface métier menant des calculs complexes et allégeant leur travail qu’à l’égard d’un site e-commerce ayant de nombreux concurrents. Pour en savoir plus sur l’optimisation de vos interfaces, n’hésitez pas à consulter notre page sur les tests utilisateurs qui permettent de mesurer l’utilisabilité réelle de vos produits.
Comme bien souvent en ergonomie donc, les vérités ne sont pas aussi générales qu’on voudrait le penser, c’est ce qui fait la plus-value experte des ergonomes ! Si vous souhaitez évaluer les performances de votre interface, un audit ergonomique permettra d’identifier les problèmes d’utilisabilité et de proposer des recommandations adaptées.
En résumé
quand le temps est un facteur de performance pour vos opérateurs, la cohérence des temps de chargement (même par un nivellement par le haut) peut les rendre plus performants,
dans les autres cas des chiffres utiles à connaitre aujourd’hui sont les suivants :
– en dessous de 0,1s, le ressenti est celui de l’instantanéité,
– en dessous de 1s, l’utilisateur ne perçoit pas réellement de transition,
– au-delà de 10 secondes, il est difficile de garder l’attention de l’utilisateur sur sa tâche initiale.
Pour aller plus loin sur ces questions de performance et d’optimisation, découvrez notre approche de design écologique et d’éco-conception qui vise à créer des interfaces plus légères et rapides.
Référence
Weber, F., Haering, C., & Thomaschke, R. (2013). Improving the Human–Computer Dialogue With Increased Temporal Predictability. Human Factors: The Journal of the Human Factors and Ergonomics Society, 55(5), 881-892.
Nielsen, J. (1994). Usability engineering. Elsevier.