À toi qui as déjà raté la dernière marche dans les escaliers parce que tu étais focalisé sur ton téléphone… Ou toi, qui a raté ton arrêt de bus parce que tu as été distrait par le dernier post Instagram que t’ont envoyé tes amis… Ou encore toi, qui t’es toujours posé la question de pourquoi tu as autant de mal à faire plusieurs choses en même temps… Et bien ne cherchez plus, la plupart des réponses à vos questions sont ici. Aujourd’hui, nous allons parler d’un processus cognitif connu de tous mais que l’on a souvent du mal à définir : l’attention.
L’attention est souvent confondue dans la mémoire du fait que quand on fait attention à un stimulus, on le conserve en mémoire à de travail. De même que si on ne prête plus attention à ce stimulus on va finir par l’oublier. Vous voulez en savoir plus sur le rôle de cette mémoire de travail ? Vous pouvez vous référer à notre article sur l’apprentissage.
Si nous avons parfois du mal à définir l’attention, c’est parce qu’on la pense comme un processus unitaire alors que l’attention est un processus cognitif multidimensionnel, mais no spoil, on y reviendra en temps voulu.
Du coup, c’est quoi l’attention ?
C’est à la fin du 19ème siècle que William James, pionnier de la psychologie aux USA et philosophe reconnu, proposa une des premières définitions formalisées de l’attention, d’un point de vue cognitif. Pour James, l’attention serait :
« la prise de possession par l’esprit sous une forme claire et vivace d’un objet ou d’un flux de pensées parmi d’autres simultanément possibles […] »
Ce que l’on peut en retenir c’est qu’il s’agit d’avoir conscience d’un stimulus parmi d’autres.
Maintenant faisons un bond de 100 ans dans le futur.
Nous arrivons à la fin du 20ème siècle, le Pr M. Marsel Mesulam, spécialiste de la neurologie comportementale, définit plutôt l’attention comme étant :
« l’allocation préférentielle de ressources limitées traitant des évènements pertinents d’un point de vue comportemental »
Pour Mesulam, l’attention reviendrait en quelque sorte à traiter les stimuli avec lesquels il nous est intéressant d’interagir.
Donc on contrôle forcément notre attention ?
Certes les deux définitions précédentes renvoient l’attention à quelque chose de contrôlé, mais imaginez-vous dans un bureau sans un bruit quand tout à coup votre collègue au téléphone raconte à un de ses amis comment s’est déroulée sa soirée. Vous savez maintenant qu’il a adoré ce nouveau restaurant malgré les prix un peu élevés. Mais avez-vous choisi de prêter attention à ces informations ou ces informations vous sont-elles parvenues de manière involontaire ?
Et c’est en ça que s’accordent nombre de chercheurs en sciences cognitives. En effet, on ne choisit pas forcément le stimulus qui auquel on porte immédiatement attention.
Quelqu’un a parlé de Cocktail party ?
En 1953, Colin Cherry, spécialiste britannique de la cognition, s’est intéressé à comment nous arrivons à isoler un son dans un brouhaha. Par exemple, ce concert où malgré la musique et le bruit de la foule vous arrivez à distinguer ce que vous dit votre ami juste à côté de vous.
La recette d’une Cocktail party réussie façon Cherry :
- On présente à des sujets des informations sonores différentes dans chacune des deux oreilles ;
- On demande aux sujets de se focaliser sur un seul des deux sons ;
- Les sujets doivent retranscrire ce qu’ils ont entendu du message-cible.
Résultat : L’attention portée à une oreille entraîne un meilleur encodage des messages qui lui parviennent car nos ressources attentionnelles vont sélectionner l’information qui nous est pertinente et essayer d’inhiber au mieux ceux qui ne nous intéressent pas.
Mais du coup l’attention, on la contrôle ou pas ?
Eh bien, oui et non. Car l’attention est souvent considérée comme un processus unitaire alors qu’elle intervient de manière multidimensionnelle.
Multi-quoi ?
Multidimensionnelle, c’est-à-dire qu’une multitude de dimensions impliquent le processus attentionnel, et elles interagissent constamment entre-elles :
La sélection
Nous sommes continuellement exposés à un flux de stimuli que nous ne pouvons pas contrôler. Pour éviter de surcharger la mémoire de travail, les ressources attentionnelles vont filtrer les informations de notre environnement. Et prendre celles qui nous sont pertinentes au même moment donné (l’effet Cocktail party en est un bon exemple). On parlera ainsi d’attention sélective.
La distribution
« Mais bien sûr que je peux travailler et écouter de la musique en même temps ! » Vous n’avez jamais essayé ? Et bien c’est l’occasion. Dans ce cas de figure, les ressources attentionnelles sont réparties, distribuées dans un « ensemble limité » de stimuli intéressants. Dans ce cas de figure, le concept représenté est celui de l’attention divisée parce qu’on divise/répartie les ressources attentionnelles sur plusieurs stimuli. Cependant, rappelons que les ressources attentionnelles sont elles-mêmes limitées. Ainsi il sera d’autant plus dur de se concentrer qu’il y aura de stimuli.
La régulation
Imaginez que vous soyez en train de conduire votre véhicule. Vous êtes à l’aise dans un premier temps mais vous focaliser sur la route vous demande un effort cognitif. Car vous maintenez un certain état de concentration et ce qui produira de la fatigue au fil du temps. On parlera ainsi d’attention soutenue car vous maintenez un « niveau d’efficience élevé et stable sur une longue période de temps » (Seron et Liden, 2000).
Le contrôle
C’est le Jour J pour le marathon auquel vous vous êtes préparés. Vous êtes sur les starting-block attendant le signal de départ, quand le coup de sifflet est donné. Pourquoi est-ce que vous arrivez à partir au bon moment (ou pas) : c’est parce que vous aurez été plus ou moins attentif au signal de départ. Dans ce cas de figure, on parle d’état d’alerte, il nous est possible de nous préparer en un peu moins d’une seconde à réaliser une action induite par un signal avertisseur.
Les chercheurs Van Zomeren & Brouvwer (1994) ont par ailleurs proposé un modèle attentionnel. Qualifiant l’attention de pré-requis à toute autre fonction cognitive car elle en permettrait le bon fonctionnement :
“J’ai tellement l’habitude que je ne fais même plus attention.”
Lors d’un apprentissage, il est nécessaire de se concentrer, de faire un certain nombre d’efforts pour réaliser l’action attendue. Mais avec l’entraînement on devient de plus en plus expérimenté. Produire l’action devient de plus en plus simple, quitte à parfois la réaliser par automatisme (exemple: les jeunes enfants qui apprennent à marcher). Nos différents processus attentionnels peuvent ainsi être sous deux « modes » différents. On parlera d’ailleurs plutôt d’orientation, et plus particulièrement d’orientation endogène et d’orientation exogène.
Pas de panique, on vous explique :
- Lorsque nous choisissons de porter attention à un stimulus (top-down, exemple : chercher une information sur un site web), nous le faisons de manière active, contrôlée et subjective, il s’agit alors de l’orientation endogène (« qui provient du corps »)
- Lorsqu’un stimulus attire notre attention (bottom-up, exemple : une fenêtre pop-up), nous portons attention à ce stimulus de manière passive, automatique et objective : c’est l’orientation exogène (« qui provient de l’extérieur »). Nous réagissons au stimulus qui vient à nous.
Bien sûr, d’autres modèles cognitifs sont proposés pour décrypter ce mystère qu’est l’attention. Certains plus spécifiques et/ou avec une vision plus unitaire de ce mécanisme. Encore est-il que maintenant vous avez quelques bases qui pourront servir.
Vous l’aurez bien compris, prêter attention à un stimulus (de manière volontaire ou non) nécessite d’abord de le percevoir. Dans un cadre de conception, il faudra donc s’interroger sur les informations vers lesquelles nous souhaitons diriger l’attention des utilisateurs et les moyens mis en œuvre pour cela (la saillance des éléments et de signaux d’alerte, la durée de concentration nécessaire pour un tâche spécifique, la quantité d’informations à traiter en même temps, etc…).
Maintenant, c’est à votre tour de faire plus attention. 😉
Références sur l’attention
Masson, M. (2011). Rééducation des processus attentionnels : approche sur simulateur de conduite : application au traumatisme crânien et au vieillissement normal (Thèse de doctorat). Université Claude Bernard – Lyon I.