Le Legal Design : entre clarté et transparence
Arnaud Risi 17 janvier 2021

Crédits, assurances, ouverture d’un compte en banque, achat d’un bien immobilier, conditions générales d’utilisation ou de vente… Nous sommes en permanence sollicités par des informations juridiques souvent obscures, ou que nous ne prenons pas la peine de lire. Mais, paradoxalement, l’utilisateur est de plus en plus demandeur d’une plus grande transparence quant à l’utilisation de ses données personnelles, ou bien souhaite être rassuré concernant les conditions d’achat en ligne. Même son de cloche chez les entreprises et les administrations qui ont beaucoup d’informations légales à faire passer avec la multiplication des outils et des services.

Mais alors, comment rendre ces informations plus claires et transparentes sans dénaturer le propos légal qu’elles contiennent ?

1. La loi c’est moi !

En 2009, la designer Candy Chang décide, en collaboration avec “The Street Vendor Project” et “The Center for Urban Pedagogy”, d’améliorer la compréhension de la réglementation des vendeurs de rues de la ville de New York. Elle conçoit alors un guide à destination de ces vendeurs : Street vendor guide 1

Cette initiative citoyenne et militante a eu pour but de défendre les droits de ces travailleurs qui ne sont pas forcément à même de décrypter cette masse d’informations juridiques. Le document qui résulte de ce travail a permis de transmettre de l’information légale à des non initiés de manière optimisée.

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Source : candychang.com
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Source : candychang.com

Cet exemple de première initiative pour améliorer la compréhension des informations juridiques a, par la suite, véritablement été théorisé en 2014 par Margaret Hagan, de l’Université de Stanford, dans son ouvrage Law by Design2.

Dans son ouvrage, nous retiendrons surtout 3 points de conception autour desquels s’articule le Legal Design :

  1. L’expérimentation, le prototypage et le travail itératif afin d’améliorer continuellement les objets juridiques
  2. Travailler de façon collaborative en associant des juristes, des designers, des chercheurs, des avocats…
  3. Et surtout avoir une vision centrée utilisateur pour comprendre ses besoins et ses contraintes afin d’améliorer son expérience.
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Source : lawdesign.co

En se basant sur une conception centrée utilisateur, le Legal Design peut se définir comme une méthodologie visant à améliorer la transparence, la clarté et la transmission de l’information juridique quel que soit le support (documents écrits, discours…) sans en dénaturer sa dimension légale.

2. Tout part de l’utilisateur

Margaret Hagan précise bien que pour améliorer cette prise d’information il faut avant tout connaitre les besoins des utilisateurs :

“Si la loi nait d’une expérience humaine, elle n’est pas toujours pensée en termes d’expérience centrée utilisateur. Les individus veulent être rassurés, garder une certaine maitrise dans leurs choix et comprendre leurs droits. Mais le plus souvent le système juridique produit l’effet inverse en diminuant la confiance des individus et en leur donnant la sensation de n’avoir aucun pouvoir.” 3

La longueur des CGU a inspiré le designer Dima Yarovinsky
dans une oeuvre d’art intitulée “I agree” (source : uxdesign.cc) 4

Mais attention, entreprendre une démarche de Légal Design ce n’est pas seulement rendre visuellement attrayants des documents juridiques.

Il faut, dans un premier temps, comprendre ce qu’il se passe dans la tête des utilisateurs en sélectionnant des méthodes de User Research pertinentes qui nous permettront de mettre en lumière les points bloquants et les besoins associés (et cela tombe bien chez Akiani nous sommes expert dans ce domaine).

Notre expertise en tant que designer va essentiellement se concentrer sur la façon dont sont présentées ses informations à l’oral comme à l’écrit. Un audit expert des différents supports contenant de la matière juridique et légale peut alors être envisagé tant sur le fond que sur la forme. 

Enfin, toujours dans une optique de travail itératif en collaboration avec les parties prenantes, des ateliers de co-conception sont mis en place afin de dégager différentes opportunités d’amélioration.

3. Et concrètement on améliore quoi ?

En désacralisant un domaine souvent perçu comme froid et austère, le Legal Design permet à l’utilisateur de s’approprier ces informations légales. 

En résulte alors une plus-value non négligeable pour les entreprises et les administrations à différents niveaux :

  • Un rapport de confiance accru entre les différentes parties
  • Une expérience utilisateur améliorée grâce à une meilleure lisibilité et une plus grande transparence de l’information
  • Une plus grande facilité à se projeter lorsque l’on a des exemples concrets
  • Un meilleur accompagnement et une plus grande écoute de l’utilisateur
  • Un sentiment d’appartenance grâce à la personnalisation des documents juridiques
  • Un discours expert rassurant qui ne dénature pas le contenu légal et juridique, mais qui améliore la compréhension des termes techniques

Concrètement, ces axes d’amélioration peuvent prendre plusieurs formes :

  • Des infographies permettant de schématiser un nombre important d’informations
  • Des illustrations, des vidéos ou du motion design pour apporter une dimension plus didactique
  • Un ton direct, des phrases plus courtes qui vont à l’essentiel
  • Apporter des exemples concrets, des mises en situation permettant à l’utilisateur de se projeter plus facilement
  • Définir les termes techniques lorsque cela est nécessaire
  • Et bien d’autres encore…
Exemple de documents juridiques condensés en une page (source : legal.dot/work) 5

Les opportunités sont riches et variées et dépendent avant tout des retours utilisateurs qui seront obtenus lors de la phase de recherche.

Conclusion

Définir les contours du Legal Design a permis d’apporter une certaine crédibilité à ce domaine en plein essor. De plus en plus de projets sont mis en place afin d’apporter de nouvelles pistes de réflexion dans le but d’améliorer la compréhension de la sphère juridique.  En se basant sur des méthodes de design thinking, le Legal Design place l’utilisateur au centre de sa démarche afin d’améliorer son expérience et rendre le domaine légal plus accessible et moins contraignant.

Une nouvelle façon de concevoir l’information juridique qui, au-delà de l’effet de mode, à une véritable carte à jouer pour permettre aux usagers de se réapproprier leurs droits et aux acteurs de mieux transmettre cette information.

Références

1 – candychang.com : Projet de guide pour les vendeurs de rues
2 – lawbydesign.co : Site internet officiel de Margaret Hagan
3 – ttclabs.net/insight/why-law-needs-design : Article de Margaret Hagan sur le Legal Desing
4 – uxdesign.cc/a-dramatic-visualisation-of-terms-and-conditions : Article de Simon Robison sur les Conditions Générales d’Utilisation
5 – legal.dot : Agence spécialisée dans le Legal Design basée à Helsinki

Arnaud Risi

Diplômé d’un master en gestion de projet digital et spécialiste de la conception centrée utilisateur, Arnaud apporte son empathie, sa rigueur et sa créativité sur tous les projets.