Rencontrer les utilisateurs est l’approche privilégiée du User researcher et de l’ergonome. Mais, cette démarche ne constitue pas une fin en soi. L’objectif est d’abord de mieux comprendre, de projeter, et d’évaluer. Pour finalement prendre des décisions aboutissant à faire progresser un produit, un service, ou une idée. Il y a donc un enjeu considérable à concevoir des supports qui portent cette connaissance utilisateurs. Et qui permettent ainsi d’en communiquer toute la richesse. Nous avions évoqué plus tôt quelques réflexions et divergences autour des personas. Aujourd’hui, on se penche sur les parcours utilisateurs, formalisés au travers d’experience map, de user journey, et de service blueprint. L’occasion de vous amener avec nous en hiver au ski (en ces périodes de chaleur !). Pour vous montrer quelques images de nos missions en station, et d’expliciter le rôle d’expert dans la construction de ces supports.
Esthétique des pistes de ski
Si tout le monde n’a pas eu la chance de mettre des pieds sur des skis, la quasi totalité d’entre nous a sans doute déjà entraperçu un plan des pistes. Vous aurez sûrement été frappés par le fait qu’ils se ressemblent presque tous… Et ça n’est pas un hasard : ces plans sont tous inspirés des travaux de Pierre Novat !
Cette vidéo de l’INA présente l’approche de l’artiste. Il part de photos aériennes et dessine à la main le paysage avec les différentes pistes de ski. Autrement dit, son métier est donc de cartographier la montagne et d’y projeter les parcours qu’y réaliseront les skieurs.
Mais le reportage dit également qu’il s’agit d’une interprétation. Dont le but réside en ce que le plan des pistes soit également un vecteur de l’image que la station veut véhiculer (sportive, proche de la nature…). C’est ainsi que, comme l’écrivait la Revue de Géographie Alpine en 2014 :
« Novat s’inscrit dans un rapport très personnel au réalisme. En effet, à première vue, il semble tendre vers une forme d’hyperréalisme dans la représentation de la montagne. Mais ses panoramas ne sont rendus possibles que par des distorsions permanentes des distances. Et également, des directions, des hauteurs et des profondeurs de champ. Ainsi la place donnée aux premiers plans et aux arrière-plans est très caractéristique de cet art qui exagère la profondeur de champ. Pour mieux faire ressortir le domaine skiable au centre de la composition. »
https://journals.openedition.org/rga/2362
Il s’agit donc moins d’être parfaitement exact dans la retranscription de l’information collectée, que d’apporter son oeil expert pour la façonner de manière à offrir aux utilisateurs et au métier un support qui leur soit utilisable.
En matière de parcours utilisateurs
Quand la connaissance utilisateurs collectée est formalisée en experience map, user journey ou service blueprint, les ergonomes et UX researchers peuvent donc choisir d’emprunter la même voie que Pierre Novat. L’approche de collecte du besoin est qualitative. Par opposition à une approche quantitative. Et un nombre restreint d’utilisateurs sont rencontrés après une sélection attentive et une caractérisation de cet échantillon par des variables d’étude pertinentes. Même si les retours sont collectés avec une grande précision méthodologique, la parole des utilisateurs ne peut être sacralisée au point qu’on la retranscrive exhaustivement.
Cela nécessite donc de mener des choix experts, lesquels peuvent être perçus comme introduisant une subjectivité supplémentaire dans la démarche. Cette approche qualitative (et peut-être même toute approche qualitative ?) est pourtant par nature subjective. En premier lieu car c’est bien la subjectivité des utilisateurs rencontrés que l’on cherche à collecter. Et c’est donc bien le rôle de l’expert d’identifier les éléments qui sont spécifiques et singuliers, de ceux pertinents et généralisables et qui serviront les objectifs de son client.
L’expérience et l’expertise
Il n’y a pas de recette magique pour progresser sur cette posture d’expert. L’ergonome et l’UX researcher ont été formés en sciences humaines à collecter avec minutie les comportements utilisateurs mais également, analyser les contextes dans lesquels ceux-ci se manifestent. Ils développent une capacité à monter très vite en compétences sur de nouveaux domaines métiers. Mais aussi à identifier tout aussi rapidement les points critiques, les points bloquants des « simples » frustrations exprimées par les utilisateurs.
Les grilles d’observation et les questionnaires qu’ils construisent les aident à mener cette collecte mais leur regard s’aiguise à mesure qu’ils rencontrent des situations analogues. L’expérience alimente alors l’expertise, et à n’en pas douter l’ergonomie comme l’UX research sont deux champs qui relèvent évidemment d’un peu de bon sens (il ne faudrait pas vexer ceux qui à longueur d’années nous le répètent !) mais surtout de beaucoup de théorie apprise et de pratique mise en oeuvre.
Pour conclure, on constate souvent une gêne ou une réserve chez les étudiants à qui l’on enseigne . Mais également chez les jeunes professionnels qui nous rejoignent quand il s’agit d’introduire leur expertise dans la sélection des informations présentées dans les parcours utilisateurs. Cette posture est bien naturelle et il nous revient alors de les accompagner de collaborateurs experts. Pour pratiquer autant que possible et aiguiser leur capacité d’analyse et de synthèse à leur contact.
Références sur les parcours utilisateurs
https://www.franceculture.fr/emissions/la-vie-numerique/de-la-belle-inexactitude-des-plans-de-pistes-de-ski
Christophe Gauchon, « Frédérique Novat, Arthur Novat, Laurent Belluard, Plans des pistes, les domaines skiables de France dessinés par Pierre Novat », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], Notes de lecture, 2014, mis en ligne le 22 juillet 2014, consulté le 29 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/rga/2362